Prix d'histoire militaire : rencontre avec Madame Raphaële Balu, lauréate 2019 #Focus
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Le ministère des Armées a lancé l'édition 2020 du Prix d'histoire militaire. Aujourd'hui, il vous est proposé de rencontrer Madame Raphaële Balu, lauréate du Prix d'histoire militaire de l'édition 2019, pour sa thèse intitulée « Les maquis de France, la France Libre et les Alliés 1943-1945 : retrouver la coopération» soutenue à l’université de Caen-Normandie sous la direction des professeurs Jean Quellien et Olivier Wieviorka.
Pouvez-vous nous présenter votre parcours universitaire et académique, ainsi que les raisons qui vous ont incité à choisir un sujet de thèse en lien avec la Seconde Guerre mondiale et plus particulièrement avec la Résistance ?
Après le bac, je suis passée par une classe préparatoire aux Grandes écoles (CPGE), qui m’a donné le temps de la réflexion pour choisir ma spécialisation. Grâce aux professeurs d’histoire dont j’ai alors suivi les cours, j’ai redécouvert cette discipline et je leur en suis très reconnaissante. J’ai ensuite fait une maîtrise d’histoire contemporaine à l’université de Paris I qui m’a décidée à m’orienter vers la recherche et j’ai donc passé l’agrégation d’histoire, souvent requise pour obtenir un contrat doctoral. Je souhaitais étudier l’histoire de la guerre au XXe siècle, que je connaissais surtout par la littérature ; la Résistance m’avait toujours passionnée, mais je n’avais jamais eu l’occasion de travailler sur le sujet au cours de mes études. J’ai eu alors la chance de rencontrer Olivier Wieviorka, qui m’a proposé une recherche sur les liens entre maquis français, France libre et Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale en master 2, puis en thèse, sous sa direction et celle de Jean Quellien, à l’université de Caen.
L'historiographie sur la Résistance et la France Libre connaît depuis quelques années un certain renouvellement et des approches nouvelles (on pense ici aux travaux d'Olivier Wieviorka et de Sébastien Albertelli par exemple), en quoi votre travail s'inscrit-il dans cette tendance ?
Ma dette à l’égard de ces travaux est immense ; naturellement, mon travail doit beaucoup à la réflexion d’Olivier Wieviorka puisque c’est lui qui m’a suggéré ce sujet. À mesure que je me suis familiarisée avec le champ, j’ai pu constater l’importance des pistes que ces chercheurs ont ouvertes. Ils ont travaillé sur les liens entre Résistance intérieure et France libre, longtemps étudiées de manière séparée ; l’ouvrage de Sébastien Albertelli sur le BCRA a montré la matérialité mais aussi la complexité de ces liens, ainsi que le rôle qu’y avaient joué les alliés britanniques et américains. J’ai aussi retenu de ces travaux l’importance de concilier l’histoire des institutions et celle des individus, tout particulièrement dans l’étude de la guerre. Les processus de décision sont intéressants en eux-mêmes, mais aussi dans leurs conséquences sur la vie des individus, qu’il s’agisse ou non de combattants. J’ai cherché un équilibre entre ces deux dimensions dans mon travail, en écrivant une histoire globale des maquis français et de leur place dans les stratégies alliées, sans perdre de vue le quotidien et les combats des maquisards. J’ai aussi été guidée dans cette démarche par Jean-Louis Crémieux Brilhac, qui m’a conseillée avec beaucoup de bienveillance durant l’année où j’étais doctorante-chercheuse à la Fondation de la Résistance.
Outre l'obtention du prix d'histoire militaire en 2019, vous avez bénéficié d'une allocation de thèse du ministère des armées pendant trois années, en quoi ce soutien a-t-il été important ?
Ce soutien a été déterminant. J’ai pu travailler dans de bonnes conditions car j’ai bénéficié au début de ma thèse d’un contrat doctoral de la région Basse-Normandie. Mais en histoire, les thèses durent souvent plus longtemps que les trois ans du contrat doctoral. Une fois passés ces trois ans, il faut mener de front la thèse et la recherche, chaque année, d’un nouveau poste. C’est difficile matériellement et ce n’est pas toujours gratifiant. C’est à ce moment-là que j’ai bénéficié de l’allocation du ministère des Armées, qui m’a permis de rédiger sereinement. C’est aussi très important car la reconnaissance institutionnelle donne du sens au travail que l’on fait. Présenter ma thèse au prix d’histoire militaire m’apparaissait comme un aboutissement et une chance de faire connaître mon travail à un jury de spécialistes. J’ai été très émue et fière de le recevoir car il récompense un long cheminement et apporte de la légitimité à ma démarche scientifique.
L'attribution d'un prix pour une thèse de doctorat parachève de nombreuses années de recherche. Quels sont désormais vos futurs projets de recherche ? Sont-ils liés à l'histoire de la Résistance et plus globalement à la Seconde Guerre mondiale ?
J’ai en effet à cœur de poursuivre mes recherches dans le domaine de la Seconde Guerre mondiale et de la Résistance. Il faut dans un premier temps que je travaille à une version abrégée de ma thèse, qui doit être publiée chez Perrin.
Au-delà, j’aimerais explorer plusieurs pistes. D’abord, j’ai été stupéfaite de découvrir la richesse des archives britanniques et américaines sur la Résistance française. J’y suis allée chercher la preuve que les Alliés s’étaient peu intéressés aux maquis français ; j’y ai trouvé, bien au contraire, quantité de rapports, d’études, de plans, de télégrammes qui prouvaient l’importance de la réflexion suscitée par la Résistance intérieure. Je voudrais continuer à dépouiller ces fonds pour montrer quels réseaux, formels et informels, remontant parfois à l’avant-guerre, ont permis la coopération entre les Alliés, la France libre et la Résistance. Ensuite, j’ai pour projet de me pencher sur l’histoire de la médecine et des médecins dans la Résistance, à partir des soins d’urgence administrés aux combattants de l’ombre. Enfin, j’aimerais interroger la place des résistants dans le droit de la guerre et dans les débats politiques, militaires et juridiques qui ont accompagné l’intégration de la Résistance intérieure à l’État-major des Forces Françaises de l’intérieur. Tous ces projets dépendent du temps dont je disposerai, car je suis aussi enseignante dans le secondaire depuis la fin de ma thèse.
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Publié le 14 mai