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Portrait du duc d'Angoulême en Grand Amiral de France

Portrait du duc d'Angoulême en Grand Amiral de France ©Emma Dutertre-BACM-2021

Jeudi 09 décembre 2021

Aujourd’hui conservé à l’Hôtel de la Marine, place de la Concorde à Paris, ce portrait en pied de Louis-Antoine de Bourbon, duc d’Angoulême, en Grand Amiral de France fut réalisé vers 1824 par le flamand François-Joseph Kinson, peintre officiel du dauphin à cette époque.

Classé au titre des monuments historiques, et déposé par le ministère des armées – Marine nationale au centre des monuments nationaux, cette huile sur toile affiche une taille impressionnante, un des marqueurs de l’usage qu’il pouvait être fait des portraits au début du XIXe siècle et du climat politique ambiant sous le règne de Charles X, père du duc et chef de file des ultraroyalistes.


Un portrait « grandeur nature »

La première chose notable à propos de cette huile sur toile est sans nul doute sa taille. Avec ses 2 mètres 43 de hauteur et son mètre 61 de largeur, on peut considérer que le sujet de la peinture est représenté grandeur nature, et qu’il donne, à qui le regarde, l’impression d’être dominé.

Si cette caractéristique donne à la toile une impression de vraisemblance, ce n’est pas tout à fait par hasard. Au XIXe siècle, en particulier avant l’invention de la photographie, plus de deux tiers des commandes de peinture sont des portraits. Ils servent à souligner le rang auquel appartient le sujet, l’artiste y peignant des attributs manifestant son statut. L’œuvre de François-Joseph Kinson est d’ailleurs caractéristique de cela puisqu’il réalisa de nombreux portraits de souverains et de proches du pouvoir, notamment de la famille de Napoléon 1er.

La possession de ces représentations permettait ainsi de signifier son appartenance à une prestigieuse lignée, ce qui est très important dans le cas du dauphin, particulièrement sous la Restauration où la dynastie des Bourbons est mise en lumière. On chérit les portraits de ses ancêtres, comme le fait le personnage du vieux duc dans Hernani. Dans cette pièce écrite par Victor Hugo en 1830, le personnage est d’ailleurs moqué pour cette pratique qui témoigne de son lien au vieux monde.

Au contraire, l’encadrement de la toile reste lui assez sobre, orné de motifs végétaux, se composant de fleurs de lys, couronnes de laurier, de fleurons et de feuillages.

 

L’importance du sujet : Louis-Antoine de Bourbon, Grand Amiral ou futur Louis XIX ? 

A l’époque de la création de l’œuvre, le duc d’Angoulême occupe une place très importante dans la société. En 1824, il devient dauphin du trône de France au moment du couronnement de Charles X. Ayant déjà combattu en Espagne, il est nommé Grand Amiral de France, le plus haut grade de la marine, bien que principalement symbolique puisqu’il n’a jamais mis les pieds à bord d’un navire de guerre.

Sur cette huile sur toile, Louis-Antoine de Bourbon adopte effectivement une posture martiale, droit, regardant vers la gauche de la composition d’un air conquérant. Il porte un uniforme assez simple, ainsi que des bottes, qui renvoient à sa position de militaire.

Tenant de la main gauche son bicorne, il pointe de la main droite une carte d’Espagne posée sur la table à côté de lui, rappelant le portrait Bonaparte, Premier consul d’Antoine-Jean Gros (1802, Musée de la légion d’honneur, Paris).

A l’arrière-plan, on observe une grande marine représentant Cadix ; contrastant avec le mobilier de velours et d’or du bureau à colonnes dans lequel il se trouve, rappelant sa double appartenance à l’armée et à la haute administration de l’Etat.

On peut d’ailleurs noter une évolution relativement à un autre portrait du duc, réalisé par le même artiste quelques années auparavant en 1819. Le peintre le représentait de la même manière mais sur fond du port de Bordeaux, ne faisant ainsi ressortir que sa position de militaire.

Enfin, si le duc d’Angoulême est représenté selon son grade de Grand Amiral, il n’en reste pas moins dauphin du trône de France, futur Louis XIX pour les partisans de la monarchie. Il porte ainsi le cordon bleu de l’ordre du Saint-Esprit, la toison d’or, la médaille de l’ordre de Saint-Louis mais aussi la légion d’honneur.

 

Le contexte politique de la Restauration

Le sujet représenté sur ce tableau ainsi que la manière dont il est mis en scène reflète le contexte particulier de la Restauration dans lequel il s’inscrit. En 1824, Charles X, qui succède à Louis XVIII, affiche la volonté de se détacher peu à peu des engagements pris dans la Charte constitutionnelle de 1814, pour revenir au modèle d’une monarchie absolue de droit divin, selon la volonté des ultraroyalistes. Il renoue avec la tradition en se faisant sacrer à Reims et rétablit notamment la censure. De toute évidence, la légitimité du pouvoir ne résulte plus que du sang royal, ce qui peut aussi expliquer une telle mise en valeur du dauphin, même si ce portrait d’apparat est loin de proposer une vision idéalisée du duc.

On peut noter à ce titre que le mobilier empire en velours rouge a été conservé en arrière-plan sur cette toile et n’a pas été remplacé par un ameublement rappelant la monarchie, contrairement aux portraits de Charles X où l’on observe un retour au faste royal de l’ancien régime. Cela peut sans doute s’expliquer par la proximité de l’ancien empereur avec l’armée dont il était issu, et à laquelle cette œuvre peut vouloir faire passer un message de continuité.

En définitive, ce tableau, qui souligne la carrière militaire du duc d’Angoulême, est ancré dans le contexte particulier du règne de Charles X.

 

Rédactrice : Emma Dutertre, Bureau des actions culturelles et des musées / DPC / DPMA

 

Pour aller plus loin :

Portrait du Duc  d'Angoulême dans la Base « collections » de Mémoire des Hommes »

Site de l’Hôtel de la Marine

Notice du Portrait du duc d’Angoulême par François-Joseph Kinson sur POP : la plateforme ouverte du patrimoine

WARESQUIEL, Emmanuel de. Portrait du roi et de ses élites sous la Restauration et la Monarchie de Juillet… une contribution à l’étude des représentations du pouvoir. In : Versalia. Revue de la Société des Amis de Versailles, n°9, 2006. pp. 178-194.