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Glorifier le soldat français, héros de la Grande Guerre

Pendant toute la durée de la guerre, le ministère et le grand quartier général avaient soigneusement contrôlé, modelé, voire falsifié l’information sur les opérations militaires en cours. Soucieux de diffuser sa vision de la guerre terminée, le grand quartier général des armées françaises publia deux documents en 1919 : ce fut d’une part le Rapport du maréchal commandant en chef les armées françaises du Nord et du Nord-Est sur les opérations en 1918 et de l’autre des Notices historiques des divisions françaises au cours de la guerre. Par note du 16 avril 1919, il prescrivit aussi aux unités d’établir des historiques de la campagne 1914-1918. Pour le contenu que devait avoir l’historique, il n’eut qu’à s’inspirer des notes de 1872 et 1886.

Ne pouvant laisser l’état-major le précéder, le ministre reprit la mesure et l’étendit aux unités stationnées hors de France par note du 25 avril 1919. Puis, par circulaires des 16 et 25 mai 1919, le ministre annonça que, chaque soldat devant recevoir un historique de son unité, un historique devait être établi pour toutes les unités et services, y compris ceux disparus ou devant disparaître comme les unités de réserve et de territoriale. De plus, l’historique devait contenir une liste des officiers, sous-officiers et hommes du rang tués pendant les opérations. Mais pour faciliter le travail, les rédacteurs devaient se concentrer sur la guerre 1914-1918 et compulser les sources conservées par les unités. Un premier état des historiques réalisés au 15 août 1919, devait être présenté au ministre.

Près de 1500 historiques existent dans les collections de la bibliothèque du Service historique de la défense (SHD) pour la seule guerre 1914-1918. La plupart sont anonymes mais beaucoup ont été rédigés par des officiers sans que leur nom soit mentionné. Une grande majorité des volumes sont au format octavo et ont été édités entre 1919 et 1922 par un éditeur privé d’envergure nationale (Berger-Levrault, Lavauzelle, Chapelot). Mais certains ont été imprimés par un éditeur régional ou un imprimeur local. En moyenne, chaque historique contient une cinquantaine de pages, mais on trouve souvent moins d’une quinzaine de pages et à l’inverse de rares volumes de 400 à 600 pages. Pour quelques régiments d’infanterie, on dispose de deux historiques, l’un d’une dizaine de pages et l’autre plus volumineux.

Chaque historique comprend essentiellement le récit de la campagne de l’unité de 1914 à 1919, souvent accompagné des citations reçues par l’unité et d’une liste des officiers et militaires tués ou décédés de leurs blessures, avec parfois le grade, la date et le lieu. On y trouve plus rarement des citations individuelles, des états des pertes ou des effectifs, des cartes et des photos (remises de décorations, portraits, lieux des combats). La présentation est généralement sobre, malgré quelques couvertures illustrées d’une scène de genre ou plus rarement de l’insigne de l’unité. Le texte lui-même est généralement très circonstancié, d’une grande sobriété de termes, sans jugement moral ou tactique sur les opérations et souvent respectueux de l’adversaire.

Cependant, les historiques mettent en avant les qualités supposées du soldat français. Certains historiques distordent même la réalité. Comme le relevait déjà en 1913 le capitaine Vidal de la Blache, dans la Revue d’histoire : « les historiques modernes ont été conçus comme des manuels d’éducation morale où domine le souci d’exalter les actions d’éclat et de passer sous silence celles qui ne sont pas édifiantes. Ce sont des livres de salle d’honneur dans lesquels chaque corps de troupe met en bonne place ses héros ». Par ailleurs, leur édition rapide avait entraîné de nombreux manques ou imprécisions et une rédaction parfois médiocre. Aussi, dans une circulaire du 15 septembre 1838, le ministre invita les chefs de corps à réviser et compléter le contenu des historiques régimentaires.


Malgré les prescriptions ministérielles, toutes les unités n’ont pas rédigées leur historique de la guerre 1914-1918, notamment celles qui avaient disparues avant la fin de la guerre. Cependant, la collection de ces historiques reste la plus importante, loin devant ceux rédigés après la seconde guerre mondiale et les guerres d’Indochine et d’Algérie. Elle complète les journaux de marches et opérations, ainsi que les Armées françaises dans la Grande guerre, eux aussi disponibles sur le site Mémoire des hommes.

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