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La mise en application à grande échelle

Après la défaite de 1870, l’armée se lança dans une grande réforme, organisationnelle et matérielle, mais aussi morale. Dès le 3 juin 1872, le général de Cissey, ministre de la Guerre, signifiait à tous les généraux : « Nos efforts doivent tendre à raffermir et développer la valeur morale de l’armée, cette force qui est la plus sûr garantie de notre avenir et à laquelle ni le nombre, ni les moyens matériels, ni les perfectionnements de l’art de la guerre ne sauraient jamais suppléer ». Aux jeunes gens appelés à servir par la conscription, il fallait offrir l’exemple de leur aînés mais aussi montrer que l’armée s’était « toujours montrée dévouée au pays, fidèle à ses devoirs, à la hauteur des dures épreuves que nous a envoyées la providence ».

La structure des historiques restait celle de 1839, mais en insistant sur les célébrités ayant servi dans l’armée où s’apprennent « les principes d’honneur, de discipline, de respect pour la loi et pour l’autorité ». Selon l’instruction du 5 décembre 1874, l’historique devait s’insérer, en tant que « récit fidèle, jour par jour, des faits, depuis la mise en route jusqu’à la fin des opérations », dans un document réglementaire connu encore aujourd’hui sous le nom de journal des marches et opérations. Il y rejoignait divers états, ordres, compte-rendu, cartes et pièces justificatives. Dans les faits, l’historique se scinda en deux formes rédactionnelles différentes : le compte-rendu détaillé des opérations du journal réglementaire d’un côté et l’historique à vocation mémorielle de l’autre.

Lancée dès 1872, la rédaction des historiques fut rapide et généralisée, le ministre, conscient de l’abondance des archives et des faibles effectifs de la section historique, ayant invité chaque régiment à envoyer un officier pour consulter les archives du dépôt de la Guerre. Certains historiques furent publiés par la Réunion des officiers ; d’autres furent imprimés dès 1876 par des éditeurs privés, tel Le 94e de Ligne – Historique du régiment depuis sa formation jusqu’à nos jours, 1791-1876, paru chez Berger-Levrault à Nancy, ou l’Histoire du 5e bataillon de chasseurs à pied, paru à Lyon chez Laplaiche. Ils servirent probablement à la publication en 1880 d’un document anonyme intitulé Souvenir du 14 juillet. Historique de tous les régiments d’après les documents officiels.

En 1886, le général Boulanger estima utile de reprendre le travail. Une décision ministérielle du 16 mai 1886 prescrivit la révision des historiques existants et la rédaction de ceux manquant, soit environ 250 historiques à rédiger. Sur ordre de leurs corps, des officiers vinrent à nouveau consulter les archives du dépôt de la guerre pendant de courtes missions à Paris. Comme en 1872, de nombreux historiques furent imprimés. Souvent, à côté de l’historique complet, fut aussi établi un résumé pour l’éducation morale des hommes de troupe. Ainsi, pour le 7e régiment d’infanterie et à côté d’un premier historique de 426 pages publié en 1839, trouve-t-on un deuxième de 45 pages en 1875, un troisième de 39 pages en 1887 et un quatrième de 484 pages en 1890.

En 1900, la collection des historiques était quasi complète, ce qui permit au ministère de la Guerre de publier pour l’exposition universelle, un Historique des corps de troupes de l’armée français. En plus de 800 pages, ce volume synthétisait les historiques sous forme d’une double page par régiment, avec la filiation, la liste des chefs de corps, les inscriptions aux drapeaux et les noms des campagnes et principales batailles. L’introduction rappelait que « les historiques régimentaires sont un précieux élément d’éducation morale pour l’officier et le soldat […] ils consacrent cette solidarité entre les générations successives qui est la base de l’esprit de corps ». En 1913, tous les historiques disponibles furent recensés dans la Bibliographie des historiques des régiments français.

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