Les fonds conservés au Service historique de la Défense
Texte d'Agnès Chablat-Beylot, Service historique de la Défense
Paradoxalement, les listes qui ont permis la constitution de la base de données des engagés volontaires étrangers dans l’armée française en 1939-1940 n’ont pas été retrouvées dans les fonds conservés par le Service historique de la Défense (SHD). Les archives que conserve celui-ci recèlent néanmoins des sources abondantes et variées pour qui effectue des recherches aussi bien sur les conditions de l’engagement volontaire des étrangers que sur un individu qui a fait ce choix au début de la Seconde Guerre mondiale.
L’engagement des volontaires étrangers dans l’armée française en 1939-1940
« Tout étranger âgé de 18 à 40 ans peut être admis à contracter, dès le temps de paix, un engagement dans un corps de l’armée française, dans les conditions fixées […] » : telles sont les dispositions fixées par un décret du 12 avril 1939. Toutefois, ce principe général a été soumis à des conditions d’applications restrictives, précisées et modifiées dans les mois suivants. Parallèlement, des accords passés avec la Pologne et la Tchécoslovaquie, les 9 septembre et 20 octobre 1939, conduisent à la constitution en France de détachements des armées de ces pays, vers lesquels sont orientés les ressortissants polonais et tchécoslovaques.
Au sein du fonds du ministère de la Guerre, conservé par le Centre historique des archives du SHD à Vincennes, les archives du cabinet du ministre (sous-série GR 5 N), du secrétariat général de la défense nationale (sous-série GR 6 N), et surtout de l’état-major de l’armée (sous-série GR 7 N), conservent la trace des débats qui ont entouré cette question, conduisant à une évolution du cadre législatif et réglementaire dans les mois précédant la déclaration de guerre et durant l’hiver 1939-1940. Pour augmenter les effectifs des armées, comment employer les ressortissants des colonies françaises, les étrangers, notamment les Espagnols ? Dans quels types d’unités ? Sous quel statut ? Telles sont les questions récurrentes au sein de nombreux dossiers de ces instances.
Les engagés volontaires étrangers au combat
En application de cette législation et de ces accords bilatéraux, les engagés volontaires étrangers sont orientés vers trois types d’unités :
- des formations françaises, lorsqu’ils satisfont aux conditions requises (une durée de résidence en France suffisante, notamment) ;
- des formations étrangères présentes sur le sol français, lorsqu’ils sont de nationalité polonaise ou tchécoslovaque ;
- la Légion étrangère, qui accueille principalement durant cette période des Espagnols et des réfugiés juifs d’Europe centrale et doit créer de nouveaux régiments et unités pour intégrer cet afflux sans précédent de volontaires.
Au sein du fonds du ministère de la Guerre, ce sont les journaux des marches et opérations (JMO) de ces unités qui rendent compte de leur engagement dans les combats de la campagne de France (sous-série GR 34 N). On soulignera la conservation, avec celles des régiments réguliers, des archives des unités créées au fil des premiers mois du conflit, au sein de la Légion étrangère, et n’ayant eu que quelques mois, voire quelques semaines d’existence :
- les 11e et 12e régiments étrangers d’infanterie,
- le 97e groupe de reconnaissance de division d’infanterie,
- les 21e, 22e et 23e régiments de marche des volontaires étrangers,
- le 1er bataillon de marche de volontaires étrangers,
- la 13e demi-brigade de marche de la Légion étrangère.
Souvent, les JMO de ces unités sont complétés de rapports rédigés quelques mois après l’armistice, notamment pour appuyer des demandes de citations ou de décorations collectives ou individuelles, mettant ainsi en relief un fait d’armes ou un militaire qui s’est distingué.
Des parcours individuels
Les sources permettant de retracer le parcours d’un engagé volontaire sont nombreuses, et pour partie identiques à celles relatives aux soldats français mobilisés.
Archives collectives du recrutement (registres matricules) et dossiers de personnel sont les principales sources permettant de reconstituer la carrière d’un militaire, qu’il soit homme du rang, sous-officier ou officier. Si seulement quelques listes ou registres consacrés aux étrangers sont conservés pour cette période par le SHD, son centre des archives du personnel militaire (SHD-CAPM Caserne Bernadotte, 64023 Pau cedex) détient en revanche une imposante série de dossiers individuels d’engagés volontaires étrangers, principalement polonais ou tchécoslovaques : ces quelque 125 000 dossiers ont souvent été constitués après guerre à des fins de reconnaissance (décorations notamment). Pour les étrangers d’autres nationalités, c’est le bureau des anciens de la Légion étrangère (BALE Quartier Viénot - BP 21 355 13 784 Aubagne cedex) qui est compétent.
Durant les combats de mai-juin 1940, nombreux sont les engagés volontaires qui ont été faits prisonniers ou sont morts (base des militaires décédés au cours de la Seconde Guerre mondiale) : dans l’un et l’autre cas, c’est la division des archives des victimes des conflits contemporains du SHD, à Caen, qui conserve fichiers et dossiers individuels (sous-série AC 21 P et AC 40 R) constitués par les ministères et services successivement chargés des anciens combattants pour apporter aux victimes des faits de guerre reconnaissance et réparation après le conflit. Rappelons que la mention « Mort pour la France » peut être attribuée à tout soldat appartenant à une unité de l’armée régulière, qu’il soit ou non de nationalité française.
Enfin, on pourra encore retrouver la trace de nombre de ces engagés volontaires étrangers parmi les résistants ou déportés dont les dossiers sont conservés par le SHD : pour les premiers, parmi les dossiers d’homologation des services dans la résistance (sous-série GR 16 P) conservés à Vincennes ; pour les seconds, parmi les archives des victimes des conflits contemporains, notamment parmi les dossiers individuels précédemment cités.
Parcours et destins individuels pendant la Seconde Guerre mondiale