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Les défis du grand projet d'extension du musée des Troupes de marine

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Le 1er juillet 2021 - Musée des Troupes de marine - Fréjus

Le musée des Troupes de marine de Fréjus a fermé ses portes le 24 juin 2020 pour deux années de travaux de rénovation. Le conservateur du musée, le lieutenant-colonel Philippe, dévoile ici les enjeux du projet d'extension et de modernisation " Troupes de marine : 400 ans d'engagement au service de la France " qui devrait se terminer en 2022 à l'occasion du 400e anniversaire de la création de l'Arme. 


1 - En quoi le projet de rénovation propose de réinventer le musée des Troupes de marine ? 

Le projet, qui comporte un agrandissement des surfaces d'exposition et de stockage, offre l'occasion de présenter un " nouveau musée " composé d'espaces dédiés à ses différentes unités fonctionnelles, regroupées de manière cohérente sur un même site. Il repose d'une part sur le bâtiment existant qui, rénové, accueillera l'exposition permanente, d'autre part sur un nouveau bâtiment comprenant un espace d'accueil-déambulation, une salle destinée aux expositions temporaires et à l'accueil de manifestations culturelles, enfin un périmètre voué au rangement et à la " conservation-restauration " des oeuvres. 

Cet accroissement des surfaces disponibles et ce nouvel agencement vont permettre plusieurs évolutions. Elles concernent à la fois la présentation de collections qui se sont singulièrement enrichies en quarante ans d'existence et les mises aux normes liées à la conservation des oeuvres et à l'environnement.

Pour ce qui est de notre politique des publics, nous suivront le mot d'ordre du général délégué au patrimoine de l'armée de terre (DELPAT) " Gagner des publics ", en élargissant l'assise de ces différentes catégories : 

  • En ce qui concerne des militaires, les plus jeunes devraient être attirés par le développement des vitrines sur les opérations extérieures, dans lesquelles ils reconnaîtront les actions récentes de leurs unités. Un effort particulier sera réalisé pour faire ressortir toutes les identités propres à l'Arme des Troupes de marine, en tenant compte de leurs effectifs respectifs et de leurs engagements opérationnels au fil du temps, notamment au travers de leurs participations aux opérations majeures : infanterie, artillerie, blindés, transmetteurs (anciens télégraphistes), sapeurs.

  • Pour le public scolaire, l'affichage d'une chronologie claire, l'utilisation de cartes et les références aux continents méconnus constitueront de précieux supports pédagogiques, pouvant servir de points de départ à des travaux et animations élaborés en concertation avec les enseignants. 

  • Enfin, le grand public, outre la curiosité et l'attrait de l'exotisme précédemment évoqués, pourrait être particulièrement attiré par deux aspects. D'abord le tourisme de mémoire qui, en évoquant des événements relativement récents, contribue à éveiller la conscience civique. Le contexte local et régional est propice à cette démarche, grâce à la proximité des plages du débarquement de 1944 et à l'existence du Mémorial du Mont Faron à Toulon. La présence du Mémorial des guerres en Indochine à Fréjus même vient encore la renforcer. Toutes les actions contribuant à cette finalité seront privilégiées. Mais aussi le contact avec le monde militaire. Les contacts s'établissent de façon naturelle avec les deux soldats qui assurent à la fois la sécurité du site et la vente en boutique. Ils pourraient être élargis lors de manifestations particulières, tel le rassemblement annuel des Troupes de marine, ou lors d'opérations de communication spécifiques. 


2 - La première pierre du nouveau musée des Troupes de marine a été posée en 2020. A quel stade en sont les travaux de rénovation aujourd'hui ?

La pose de la première pierre a été posée par le Chef d'état major de l'Armée de terre le 31 août 2018. Les travaux ont débuté en décembre 2020, après ceux du désamiantage des bâtiments qui ont duré jusqu'en mars 2021, les travaux de gros oeuvre sont actuellement en cours dans le respect du calendrier des opérations fixées par le Pôle de conduite opérationnelle de Draguignan.


3 - Le déménagement des collections est un événement à lui seul. Comment cette phase délicate s'est-elle déroulée?

Le calendrier des opérations pour la modernisation et l'extension du musée a été arrêté par le Pôle de conduite opérationnelle de l'Établissement du service d'infrastructure de la Défense (ESID) de Draguignan qui stipule que le musée doit être entièrement vidé pour le 1er septembre 2020. Après cette date, les travaux de désamiantage du bâtiment ont débuté pour une durée de quatre mois. 

Ainsi, depuis le début du déconfinement, moi-même et mon équipe avons entamé la phase active du déménagement des collections. Ce chantier est un ensemble d'opérations de traitement des collections patrimoniales, réalisées de manière programmée et raisonnée, tant sur le plan scientifique que matériel. Il répond à un objectif précis : le transfert de la totalité des collections du musée des Troupes de Marine. Deux espaces de stockage du quartier Le Cocq accueilleront les collections et le matériel muséographique.

À cet effet, j'ai rédigé un ordre d'opérations décrivant les différentes phases et actions à mener pour la réussite de ce déménagement. Il s'agit non seulement de conditionner et de déménager les 20 000 objets de la collection permanente ainsi que ceux de la dernière exposition temporaire intitulée Les troupes coloniales durant la guerre d'Indochine, mais aussi les pièces conservées dans les réserves. S'ajoute à cela la dizaine d'engins à vocation historique et patrimoniale (EVHP) extérieurs. Il faut aussi transférer le mobilier et les petites réserves du bâtiment administratif dans la salle Mangin du Centre d'histoire et d'études des Troupes d'Outre-mer (CHETOM), qui deviendra le lieu de travail de l'équipe du musée durant les deux prochaines années. 

Par leur nombre et leur étendue, ces opérations ont mobilisé un grand nombre de personnel. Il y a d'une part l'équipe du musée-CHETOM qui a fourni un appui bienvenu pour le transport. D'autre part, j'ai pu bénéficier du soutien technique du bureau maintenance logistique (BML) du 21e régiment d'infanterie de Marine (RIMa) et du renfort d'une dizaine de Marsouins lors des opérations d'enlèvement des EVHP. Ils sont venus compléter les permanents du régiment de marche du Tchad (RMT), du 11e régiment d'artillerie de marine (RAMa) et 3e régiment d'infanterie de marine (RIMa). L'équipe du musée, ainsi qu'une jeune recrue en contrat armée-jeunesse, n'a pas ménagé sa peine dans ces délicates opérations. 

Le musée a donc fermé ses portes le 24 juin 2020 et l'équipe poursuit ses activités en vue de la réouverture. Depuis, l'équipe du musée travaille sur le chantier du redéploiement des collections.


4 - Quels sont les nouveaux espaces et parcours de visite que les publics pourront découvrir à la réouverture du musée ? 

L'exposition permanente, qui sera rendue moins dense et plus lisible, restera en outre évolutive. Le parcours sera chronologique, découpé en cinq grandes périodes issues des travaux du conseil scientifique. En fin de parcours, des sections thématiques seront présentées, hors chronologie (notamment l'oeuvre du Service de santé, ainsi que les Troupes de marine et coloniales dans le Sahara). Parallèlement, seront présentées plusieurs collections thématiques (armes, insignes, décorations). Grâce à la signalétique et aux supports modernes tels que audioguides et bornes interactives, la visite pourra être réalisée selon différents niveaux de lecture.

Cinq périodes ont été définies ; elles seront matérialisées par cinq sections chronologiques :

  • 1622-1830 : à la découverte de nouveaux mondes. Cette première partie évoque le premier empire colonial français et sa perte progressive. Les dates suivantes seront mises en relief : 1763, perte de la Nouvelle France et de l'Inde lors du Traité de Paris ; 1815, restitution des colonies perdues (Antilles et Mascareignes pendant les guerres de la Révolution et de l'Empire) ; 1830, avènement de la Monarchie de Juillet et changement de la politique coloniale de la France.

  • 1830-1900 : les Troupes de marine à la conquête du monde. L'année 1900 correspond à l'établissement quasiment définitif des frontières du second empire colonial et au passage des Troupes de marine sous la tutelle du ministère de la Guerre, sous le nom de " Troupes coloniales ". Une place particulière sera réservée à la guerre franco-prussienne et aux combats de Bazeilles. La politique d'acquisition du musée tiendra compte des manques concernant les campagnes du Second Empire (notamment Crimée et Mexique). Les conquêtes de " l'Afrique noire ", de Madagascar et de l'Indochine, ainsi que les créations des unités de tirailleurs indigènes, conféreront à cette période une place très importante dans le musée. Un effort particulier sera par ailleurs réalisé pour faire apparaître les sociétés locales impliquées.

  • 1900-1945 : garder l'Empire et défendre la France. Une section 1900-1914 concernera les campagnes en Mauritanie, au Niger, au Soudan (Mali) et au Tchad. La Première Guerre mondiale sera abordée au travers des faits d'armes des troupes coloniales et indigènes. La période 1919-1939 s'attardera sur les campagnes de Cilicie, du Liban et du Maroc. La Deuxième Guerre mondiale, enfin, détaillera à nouveau les troupes coloniales et indigènes, notamment pendant les campagnes de la Libération et singulièrement lors du débarquement, puis au cours la libération de la Provence.

  • 1945-1962 : la fin d'un Empire. Cette partie correspondra évidemment aux deux guerres de décolonisation d'Indochine et d'Algérie. Seront également évoqués le coup de force japonais en Indochine de 1945, la guerre de Corée et l'expédition de Suez. Il sera important de mettre en lumière la création et le rôle des unités parachutistes, subdivision importante de l'Arme des Troupes de marine d'aujourd'hui, dont les membres doivent retrouver leur histoire.

  • Depuis les années post 1962 : le temps de la coopération et des opérations extérieures. Cette partie évoquera la coopération militaire avec les nouveaux États indépendants, l'apparition du Service Militaire Adapté et la coopération avec les États africains, sous leurs formes successives (de l'assistance militaire technique au partenariat militaire opérationnel). Les interventions militaires sous mandat international et les nombreuses opérations extérieures dans lesquelles les Troupes de marine ont été engagées occuperont une place essentielle. Pour une meilleure lisibilité, ces OPEX seront présentées selon une logique géographique. Certaines, en effet, comme les interventions au Tchad ou celles au Liban, s'étalent sur 50 ans, et couvrent donc la quasi-totalité de la période présentée. Les guerres du Koweït, d'ex-Yougoslavie et d'Afghanistan occuperont une place de choix, à côté des interventions au Cambodge, en Somalie, au Rwanda, en Côte d'Ivoire, en République centrafricaine, et bien entendu des engagements plus récents (opérations Serval et Barkhane au Sahel). Les noms, symboles et insignes de ces opérations pourront faire l'objet d'un panneau particulier. En parallèle de ces cinq sections, plusieurs vitrines consacrées à l'armement (armes blanches et armes à feu) des Troupes de marine pourront satisfaire la curiosité des visiteurs. Les collections d'insignes et de décorations, importantes, seront en outre présentées dans des " cabinets de curiosité ", installés à part.

La construction d'une salle de 400 m2 réservée aux expositions temporaires occupe une place essentielle dans la conception du projet. Dans la continuité de l'espace d'accueil, elle accueillera chaque année plusieurs rendez-vous spécifiques. Les thématiques seront soit liées à des commémorations, soit choisies pour créer une animation, attirer un public nouveau et, dans certains cas, servir de cadre à un colloque à vocation historique. Elles permettront ainsi d'alterner, selon la distinction opérée par le musée de l'Armée, " expositions patrimoniales " (traitant d'une thématique non abordée par le musée, à partir d'objets des collections et prêtés par d'autres institutions) et " expositions dossiers " (centrées sur un objet des collections du musée). Des cloisons mobiles permettront d'en moduler la taille et de réserver un espace pour d'autres activités, comme la réalisation d'ateliers spécifiques.

La nouvelle construction offrira 180 m2 aux réserves, à proximité immédiate des autres parties du musée. Elle accueillera également une salle de transit, une salle de quarantaine, des ateliers de restauration et de photographie. Toutes les manipulations et rangements pourront être exécutés dans des conditions de sécurité et de conservation optimales.


5 - Quel est selon vous l'objet/la médiation à ne pas manquer au sein du nouveau parcours permanent du musée ?

Comme cela a été évoqué plus haut, l'ensemble des espaces intérieurs comme extérieurs offriront une médiation spécifique qui contribuera à susciter pour les visiteurs, une invitation à voyager sur quatre siècles d'histoire.


6 - A quelle date la métamorphose du musée sera-t-elle dévoilée au public ? 

Les premiers espaces seront dévoilés au second semestre 2022 dans le cadre de la célébration des 400 ans d'histoire des Troupes de marine. 


Publié le 1er juillet 2021